Entre 8 et 12 ans, les enfants traversent une phase cruciale de leur développement cognitif. Parmi les capacités qui se développent de manière significative durant cette période, la mémoire joue un rôle central. Elle permet d’apprendre, de raisonner, de résoudre des problèmes et de se souvenir d’expériences passées. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la mémoire n’est pas un bloc unique : elle se compose de différents systèmes interconnectés qui évoluent progressivement et peuvent être activement renforcés par des activités adaptées.
Comment fonctionne la mémoire de travail de votre enfant
La mémoire de travail (ou mémoire à court terme) permet de retenir et de manipuler temporairement des informations. En particulier, entre 8 et 12 ans, la mémoire de travail augmente sa capacité, ce qui permet aux enfants de retenir activement plus d’informations, une activité essentielle pour résoudre des problèmes, suivre des instructions complexes ou faire des calculs mentaux. En outre, le contrôle de l’attention augmente, ce qui permet d’ignorer les distractions et de se concentrer sur les éléments pertinents.
Imaginez la mémoire de travail de votre enfant comme un bureau organisé avec quatre espaces de travail distincts mais interconnectés :
- Le « magnétophone mental » (boucle phonologique)
C’est l’espace où votre enfant retient et répète les informations qu’il entend. Par exemple, quand vous lui demandez d’aller chercher ses chaussettes, son pyjama et sa brosse à dents avant le coucher, il se répète mentalement cette liste pour ne pas l’oublier.
- L’ « écran mental » (calepin visuo-spatial)
C’est là où votre enfant visualise et manipule les images dans sa tête. Imaginez-le en train de faire un puzzle : il utilise cet espace pour tourner mentalement les pièces et visualiser où elles pourraient s’emboîter.
- Le « chef d’orchestre » (administrateur central)
C’est le coordinateur qui décide où diriger l’attention. Dans notre exemple du puzzle, c’est lui qui décide de se concentrer sur les bords d’abord, puis sur les couleurs, tout en gardant en tête la consigne que vous avez donnée.
- Le « carnet de notes » (buffer épisodique)
C’est l’espace qui combine toutes les informations – ce qu’il voit, entend et se souvient – pour créer une image complète. En faisant le puzzle, il relie l’image sur la boîte (mémoire visuelle), vos encouragements (sons), et ses expériences passées avec des puzzles similaires.
Exemple concret : Ranger sa chambre
Quand vous demandez à votre enfant de ranger sa chambre :
- Le magnétophone retient vos instructions (« range tes livres, tes jouets, puis fais ton lit »)
- L’écran mental l’aide à visualiser où chaque objet doit aller
- Le chef d’orchestre décide dans quel ordre tout faire et maintient son attention sur la tâche
- Le carnet de notes combine tout : il se souvient où vont habituellement les objets, entend vos rappels, et voit l’état actuel de sa chambre
Comment fonctionne la mémoire à long terme de votre enfant
La mémoire à long terme, qui est responsable du stockage à long terme des informations et se divise en :
- Mémoire déclarative (explicite), qui comprend :
- La mémoire sémantique, pour les faits, concepts et connaissances générales et qui, pendant cette période, s’enrichit à travers l’école et le jeu. Les concepts sont reliés entre eux, formant des connaissances de plus en plus solides et complexes (p.ex. La capital de la Suisse est Berne).
- La mémoire épisodique, pour les souvenirs personnels et les événements vécus et qui devient plus détaillée et organisée au cours de cette période. En effet, les enfants commencent à placer les événements dans une séquence temporelle cohérente (ex : « d’abord nous sommes allés au parc et ensuite nous avons mangé une glace »).
- Mémoire non déclarative (implicite), impliquée dans les automatismes, les compétences motrices et les apprentissages inconscients (comme faire du vélo ou attacher ses chaussures) et qui deviennent automatisées et stables au cours de cette période.
Au cours de cette période, on observe également une amélioration de la mémoire visuo-spatiale et donc de la capacité à se souvenir des positions, des formes et des itinéraires, une compétence essentielle pour s’orienter, lire des cartes ou visualiser mentalement des figures géométriques. Enfin, au cours de cette période et plus particulièrement entre 10 et 12 ans, les enfants commencent à utiliser des stratégies spontanées de mémorisation (comme faire des associations, catégoriser ou faire des répétitions mentales) et la métamémoire, c’est-à-dire la conscience de son propre fonctionnement mnémotechnique (savoir ce que l’on retient facilement et ce que l’on ne retient pas, et adapter son approche en conséquence), se développe. Jeux pour stimuler la mémoire chez nos enfants
Stimuler la mémoire peut se faire de manière ludique et efficace grâce à des activités bien choisies. Voici quelques exemples de jeux adaptés à cette tranche d’âge :
Concept (dès 10 ans) : ce jeu fait appel à la mémoire sémantique et à la pensée créative. En utilisant des icônes pour faire deviner un mot ou un concept, l’enfant apprend à mobiliser ses connaissances générales tout en exerçant sa flexibilité mentale.
Fonctions cognitives développées :
- Mémoire sémantique : L’enfant apprend à mobiliser leurs connaissances générales sur le monde et les choses.
- Flexibilité mentale : Il doit être capable de modifier rapidement son raisonnement et ses informations en fonction des icônes présentées.
- Planification : Il développe la capacité à planifier des pensées et à les exprimer.
Le Labyrinthe Magique (dès 6 ans) : Dans ce jeu, les enfants développent leur mémoire dans un environnement magique tel que ce labyrinthe. Les joueurs doivent collecter 5 objets dans le labyrinthe magique. Placez les murs du labyrinthe puis essayez de mémoriser le parcours qui est ensuite recouvert par le plateau de jeu !
Fonctions cognitives développées :
- Mémoire visuo-spatiale : L’enfant apprend à développer des stratégies pour se souvenir de la position des objets.
- Planification : Il développe la capacité à planifier des actions pour éviter le magicien et de perdre !
Différence (dès 7 ans) : Chaque joueur possède une pile de cartes avec une même illustration… du moins en apparence. À chaque tour, trouvez les deux différences entre votre carte et la carte commune servant de référence. Le plus rapide pourra se défausser d’une carte et se rapprocher de la victoire.
Fonctions cognitives développées :
- Mémoire visuo-spatiale : L’enfant apprend à développer des stratégies pour mémoriser tous les détails des différentes cartes.
- Inhibition : Il développe la capacité de réfréner ses impulsions et de se figer lorsqu’il croit voir une carte similaire à la sienne mais qui ne l’est pas.
- Attention soutenue : Il améliore ses capacités d’attention pour pouvoir reconnaître les cartes et gagner.
Qwirkle (dès 8 ans) : Dans ce jeu, les enfants doivent placer 108 gros blocs de bois, les formes doivent différer si elles sont de la même couleur ou les couleurs si elles sont de la même forme. Le but est d’obtenir le plus de points possibles.
Fonctions cognitives développées :
- Mémoire de travail : L’enfant va placer les différents blocs tout en rappelant les règles du jeu.
- Flexibilité mentale : Il développe la capacité de passer d’une condition (couleur) à l’autre (forme).
Créer un environnement favorable à la mémoire
La mémoire est étroitement liée aux émotions. Les souvenirs associés à des émotions positives sont souvent mieux retenus. C’est pourquoi il est essentiel de créer un climat d’apprentissage bienveillant, encourageant la curiosité, la prise d’initiative et la confiance en soi. Des routines stables, des encouragements et une valorisation du processus d’apprentissage (et non seulement des résultats) permettent à l’enfant de s’épanouir cognitivement.
Conclusion : cultiver la mémoire comme on cultive un jardin
Entre 8 et 12 ans, les enfants disposent d’un potentiel cognitif remarquable. Stimuler leur mémoire par des jeux adaptés, des stratégies bienveillantes et un environnement émotionnellement nourrissant permet de renforcer durablement leurs compétences. Comme une forêt qui grandit grâce à des soins constants, la mémoire de l’enfant s’enrichit et se structure jour après jour, posant les fondations solides de ses futurs apprentissages.